Délire second

Publié le par LeSeigneurDesMots

Ha ! c’est vous ! je ne pensais pas vous revoir si tôt ! vous êtes venus reprendre ce que j’avais gardé en gage. Tenez ! reprenez là, elle vous attendait. Difficile de vivre sans elle, n’est ce pas ? votre entourage a du vous trouver quelque peu absent ces derniers temps. Vivre sans âme… (oui car c’est bien de cela qu’il s’agit. Vous le sauriez si vous aviez lu Délire premier)…mais je vois que cela vous a fait du bien, vous avez pris des couleurs ! n’ayez crainte, elle n’a pas bougé ? même pas le temps de prendre la poussière. Bien sûr je n’ai pu m’empêcher de lui confier quelques uns de mes petits secrets, mais rassurez vous, elle va bien. Mais non ! elle n’est pas devenue noire…tout comme elle n’a pas non plus été pervertie par mes idées saugrenues d’histoire à dormir debout. Vous pouvez repartir avec elle en paix… Toutes ces histoires d’âmes prisonnières à tout jamais, c’était pas sérieux. La vile boutade d’un homme aigri par son impuissance à ralentir la vie qui le laisse vieillir. Non, allez ! allez vous dis-je, vous êtes libre…
Vous me voyez emprisonner votre esprit ? absurdité que tout ceci ! alors comme ça vous m’accorderiez le pouvoir de transformer les mots de mes phrases en une cage machiavélique capable de retenir dans le creux de sa main un esprit si brillant que le votre ! incapable de fuir cette prison sans mur ni barreau ! prisonnier de mes lignes de délires interminables, vous liriez sans repos ces mots qui s’enchaînent en une suite sans fin de phrases toutes aussi inutiles les unes que les autres comme un labyrinthe que vous ne sauriez cartographier. Bien sûr je pourrais rester des heures à guider votre âme curieuse, tantôt dans les méandres sombres et glacés de mon esprit vile et perfide, tantôt dans un univers enchanté par les couleurs de mille fleurs d’une prairie au dessus de laquelle jamais nuage ne passe et que seule mon esprit saurait composer. Ou bien encore vous faire traverser nombres de marécages nauséabonds, froids à vous glacer le dos, d’ou les spectres malveillants siffleraient des chants de mort en boucle désastreuse. Je saurais aussi vous apprendre le nom de ces papillons aux ailes si frêles qui viennent s’abreuver du nectar des plantes qui poussent le long du ruisseau de ma tendresse. Non , à tout moment vous avez la possibilité de me zapper, fuir, vous échapper…
Mais finalement, je vois que vous êtes toujours là ! un thé ? du lait peut -être !
Oui vous êtes là, vous me lisez tout simplement. Vous déchargez vos sombres pensées si lourdes à porter et vous vous laissez aller ! Oui, c’est ça, laissez vous porter par la douce mélodie de mes mots un à un assemblés. Un peu comme le ferait la feuille d’un érable qui, rougie par l’automne, planerait, étourdie par la brise légère et viendrait sur les flots d’un cours d’eau nonchalant, se poser. Vous êtes si bien ici ! bercés par le cliquetis du clavier effleuré par mes doigts inlassables (ha ! non, ça y a que moi qui l’entend), car, entre nous, approchez l’oreille, quitte à écrire pour ne jamais rien dire, autant que cela soit relaxant, autant que cela soit léger. Vous êtes là, j’écris, vous me lisez. Ainsi vous et moi sommes à l’abri de ce temps qui passe toujours trop vite, à l’écart de cet assourdissant ronronnement des moralisateurs désâmés (un mot à moi) et autres mécontents d’une vie qu’ils ne savent plus aimer.
 
Mais je parle, je parle, sans doute avez vous mieux à faire !

Publié dans Délire

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